Habitat 67 – Montréal

« Les disciplines du projet sont généralement très portées sur la clarification de gestes clairs et sont plus soucieuses de l’exactitude de la réponse à des exigences spécifiques que par la mise en place de zones floues et de vides qui peuvent être investies de façons imprévues.

Bien que certains praticiens privilégient cette approche (comme, en particulier, Rem Koolhaas), cette posture conceptuelle reste rare. On peut cependant retrouver, de façon assez régulière, des espaces non programmés à la périphérie des projets : ces vides résiduels sont ceux qui ne sont pas investis par la résolution du programme. Lorsque ces vides sont au cœur d’un projet (et que la périphérie devient le centre), leur capacité d’attraction et leur potentiel d’investissement en sortent grandis.

C’est le cas d’un projet phare de l’architecture canadienne : Habitat 67, conçu par Moshe Safdie à l’occasion d’Expo 67 à Montréal. L’image de ce projet est fortement marquée par l’expression plastique et matérielle de ses composantes que sont ces cubes de béton empilés et reliés les uns aux autres dans une logique structuraliste.

Lorsque j’ai eu l’occasion de visiter le bâtiment, j’ai été marqué par la grande richesse spatiale de la place couverte par ces pyramides de blocs. Il ne s’agit pas A0 espace neutre et uniforme, mais bien d’un ensemble de petits espaces interreliés. Certains sont bas et écrasés alors que d’autres sont beaucoup plus haut. Certains sont très sombres, alors que d’autres sont éclairés de façon franche par une lumière naturelle directe. L’ensemble est ramené à une échelle humaine par le grand toit composé par les cubes de béton habités.

Le sol n’est pas, lui non plus, continu, mais fragmenté par des changements de niveau permettant d’aborder l’ensemble de ces espaces de façon variée.

C’est à la fois la variété des dispositifs et la complexité de leurs assemblages qui font de cet espace « résiduel » un lieu propice à être mobilisé de façons très différentes par les usagers, qu’ils soient de simples visiteurs individuels, ou des groupes de résidents du projet. A la fois petit et grand, fermé et ouvert, enfoui et suspendu, ce volume indéfini est un véritable environnement bâti dont la qualité se mesure par son ouverture aux expériences vécues des usagers. » (Livret Expériences Vécues Positives de la Qualité dans l’Environnement Bâti 2023, p.20).

Image : Oliver Parini, The Wall Street Journal, https://images.wsj.net/im-617104

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